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Le blog du G. P. S.

Le blog du G. P. S.

Depuis décembre 2008 à Toulouse, le GPS (Groupement Pour la défense du travail Social) se bat contre les atteintes portées aux personnes accompagnées du secteur social. Pour ce faire de multiples actions ont été menées en faveur du droit de ces personnes.


6) Rapport d'activité 2010 "Goutte de vies" - L'accompagnement des décès

Publié par G. P. S. sur 15 Août 2011, 06:00am

Catégories : #Rapports d'activité Goutte de Vies

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’accompagnement des décès

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Introduction

 

Le travail d’accompagnement des décès a débuté fin novembre 2008. 29 décès ont été accompagnés en 2009 et 30 en 2010. A chacun de ces évènements, il s’est agit de trouver la bonne réponse c'est-à-dire non pas une réponse formatée mais totalement adaptée à ce que requerrait chaque situation. Ainsi avons-nous mis place, auprès des proches, une réponse qui s’est voulue à chaque fois la plus juste possible, la moins intrusive, celle qui pouvait donner du sens et étayer un possible travail de deuil.

 

Ce travail spécifique était systématiquement rapporté dans les ateliers afin d’affiner notre connaissance des procédures, des protocoles, des pratiques des différents acteurs. Il s’agissait de pouvoir développer de manière empirique une pratique propre dans un champ jusque là inconnu.

 

Parfois, nous nous sommes arrêtés à seulement informer du décès différentes personnes qui avaient connu le défunt, parfois nous avons dû prendre en charge totalement l’organisation des funérailles jusqu’au faire part, aux cérémonies et à assurer une présence à l’inhumation. Et entre les deux, toute une gamme de possible qui transforme chacun de ces accompagnements en une histoire singulière. C’est de cette pratique et de nos réflexions qui y sont liées dont nous allons à présent vous rendre compte.

 

I - L’annonce à « Goutte de Vies »

 

Nous avons précisé déjà dans le compte rendu des ateliers à quel point la mise en place de procédures d’alerte au sein des hôpitaux, des cliniques, de la régie municipale des pompes funèbres, de la police nationale et administrative était nécessaire. Les associations du réseau, les différents services, les équipes des accueils d’urgence mais aussi les amis de la rue … peuvent également contribuer à ce que cette information du décès nous parvienne. La vigilance de tous dans ce domaine est nécessaire.

D’expérience, nous savons aujourd’hui qu’une information rapide est source de gain de temps et précieuse pour la suite des évènements. Elle permet également un recueil de données plus fiables, plus proche de la réalité.

 

Origine des annonces :

 

Partenaires

Hôpital

Amis

Famille

Régie municipale des pompes funèbres

Soins palliatifs

Officier de police judiciaire

Presse :faits divers

DDASS

12

6

5

2

2

1

1

1

1

 

La majorité des annonces s’est faite par les partenaires : assistantes sociales du CCAS, appartement de coordination thérapeutique, soignants de différents services, accueil de jour …

 

Les amis de la rue ont souvent prévenu l’association via l’équipe mobile sociale du 115.

 

Les deux centres funéraires de Rangeuil et Purpan, ainsi que la régie municipale de pompes funèbres ont pris l’habitude de nous appeler dès lors qu’ils lancent la procédure « d’inhumation indigent » de la mairie et lorsqu’ils ont un doute sur de possibles liens entre le défunt et la rue (ou une situation de précarité). Nous établissons alors une recherche pour déterminer si cette personne peut-être accompagnée par notre association. Rappelons que nous accompagnons exclusivement « les personnes ayant fait l’expérience de la rue, vivant à la rue, en squat, en institution (maison de retraite, maisons relais …) ou même en appartement après un parcours de rue quel que soit sa durée.

 

II – La recherche d’information et la question du secret professionnel

 

Cette recherche se fait au sein de l’association par des travailleurs sociaux, des infirmiers rattachés à l’Equipe Mobile Sociale et à la Halte-Santé du CHU de Toulouse en lien avec tous les partenaires du réseau. Ces informations sont collectées à plusieurs fins :

-          construire pas à pas l’intervention de « Goutte de Vies » autour de chaque décès

-          établir un recueil de données sur la réalité de la mort à la rue à Toulouse.

 

Les informations collectées le sont sous le couvert du secret professionnel et ne sauraient être divulguées autrement que de manière anonyme. Les données recherchées concernent l’identité, les circonstances, les causes du décès, le réseau familial et social (cf fiche en annexe), la trajectoire récente, sa croyance …

 

Ces informations sont collectées dans un dossier confidentiel et servent à :

-          Optimiser la recherche d’une éventuelle famille.

-          Appréhender au mieux la trajectoire récente du défunt et ainsi adapter au mieux l’intervention de « Goutte de Vies ».

-          Garder la mémoire de cet évènement et la façon dont les choses se sont construites afin de permettre d’informer la famille si celle-ci se manifeste bien plus tard.

-          Permettre une évaluation de nos pratiques.

 

III – Une présence constante et vigilante

 

Cette présence n’est jamais intrusive et se fait dans le respect des rythmes des personnes.

 

1)     Auprès des institutions

 

Les délais entre le décès et l’inhumation (ou la crémation) sont en moyenne de 37 jours (cela peut aller de deux jours à 79 jours). Plusieurs raisons à cela :

 

-          La recherche des familles est parfois longue. Des trajectoires de vies faites souvent de ruptures anciennes compliquent celle-ci.

-          50% des décès (17 sur 33) impliquent une enquête d’un officier de police judiciaire. Si celui-ci ne retrouve pas la famille, le bureau des entrées de l’hôpital procède également à une recherche. En dernier recours, la police administrative est sollicitée. Lorsqu’aucune famille n’est retrouvée ou que celle-ci ne souhaite pas prendre en charge les obsèques, une date d’inhumation est décidée en fonction des disponibilités des équipes de la régie. Notons que la décision finale est souvent prise soudainement. Les délais sont alors très courts, ce qui nécessite un travail de préparation en amont afin d’être réactif, disponible et prêt.

 

Autour de l’attention portée au défunt et du rappel des protagonistes, la transmission d’information … permet parfois d’accélérer les choses et de réduire les délais insupportables pour les proches. Ce travail demande beaucoup de temps (échanges téléphoniques) et un suivi constant.

 

2)     Auprès de la famille

 

Rappelons ici que « Goutte de Vies » ne se substitue pas aux autorités compétentes pour l’annonce des décès. Ces dernières proposent ensuite à la famille que nous les appelions. Dans quasiment toutes les situations, les familles acceptent. Notre aide alors revêt alors plusieurs formes :

-          Une écoute : les ruptures avec leur proche sont parfois très anciennes, encore douloureuses. Plusieurs échanges téléphoniques sont parfois nécessaires pour accompagner la famille dans son cheminement.

-          Une information sur les procédures, sans pour autant se substituer au travail des pompes funèbres, à la construction de la cérémonie : trouver un maître de cérémonie, un lieu …

-          Une mise en lien avec les témoins : référents sociaux, amis, réseau social, lieux d’hébergement, accueil de jour … Certaines familles sont parfois très demandeuses de ces rencontres. Elles sont très touchées : reconnaître un sac, un vêtement, des lettres conservées … des objets qui témoignent encore, après une longue absence, que la rupture n’était sans doute pas totale. Elles sont alors très sensibles aux témoignages, aux marques d’affection, d’amitié, de considération et de respect portés à leur proche. Dans ces rencontres parfois des photos s’échangent, des témoignages font sens, éclairent, réconfortent …

-          L’accueil à Toulouse : aider à trouver une chambre d’hôtel, accompagner physiquement dans les démarches (hôpital, police, inhumation). Cet accompagnement peut s’étaler sur plusieurs jours.

 

3)     Auprès des amis

 

Les amis sont très souvent désemparés face au décès de leur copain. Le but de « Goutte de Vies » est de pouvoir :

-          les informer régulièrement de l’évolution des procédures qu’ils comprennent souvent assez mal dans leur lenteur, maintenir le lien.

-          Les soutenir dans leur souffrance

-          Les associer si la famille est d’accord ou si elle est absente à l’organisation des funérailles (faire-part, mise en bière, cérémonie, inhumation, hommage …)

-          Les accompagner physiquement au centre funéraire, au cimetière, au crématorium. Avec l’aide de l’équipe mobile sociale nous avons parfois conduit près de 20 personnes par enterrement.

-          Recueillir leur témoignage sur des cahiers transmis à la famille si celle-ci est d’accord.

-          Les mettre en lien avec la famille si celle-ci est demandeuse et agir si besoin en tiers médiateur.

 

4)     Auprès des professionnels

 

Le soutien aux professionnels peut prendre trois formes :

-          Une aide technique : informations sur les procédures, le suivi d’un décès, une stratégie à mettre en œuvre, organisation des funérailles (faire part, cérémonie, présence aux inhumations ...).

-          Une écoute spécifique

-          L’organisation de groupe de parole (cf témoignage du décès de Mr H)

Rappelons que « Goutte de Vies » est un outil au service des professionnels du réseau.

 

IV – Les funérailles

 

1)     Les faire-part

Ils ne sont pas systématiques. Lorsque la famille est présente, nous lui proposons de construire ensemble un faire part. Celui-ci est envoyé, avec son accord, à tout le listing (membres, associations du réseau et sympathisants). Ce faire part permet d’informer le réseau et parfois de faire surgir de nouveaux témoins. Nous avons rédigé des faire part pour environ la moitié des décès. Ils concernent les enterrements qui se déroulent à Toulouse. Nous n’informons pas le réseau lorsque la famille ne le souhaite pas.

S’il n’y pas de famille ou si elle se désengage, nous établissons ce faire part en associant les proches (amis, bénévoles et professionnels) qui peuvent, s’ils le souhaitent, être mentionnés.

 

2)     Les visites funéraires

Elles sont rares compte tenu de la longueur des procédures mais il est arrivé à plusieurs reprises que nous accompagnions physiquement les familles ou les amis.

 

3)     Les cérémonies

Elles sont organisées en lien avec les familles et les proches en fonction de la croyance du défunt parfois dans les salles omni-culte des hôpitaux (Rangueil et Purpan), de la régie municipale des pompes funèbres … ou bien directement au cimetière. Elles peuvent être laïques ou religieuses. Nous proposons également de faire le lien avec le référent du culte lorsque la confession d’une personne est assurée.

Nous pouvons actuellement compter sur deux maîtres de cérémonie, ce qui est insuffisant. Un groupe de travail spécifique a été lancé en 2011.

 

4)     Les enterrements, les crémations

Nous essayons d’être systématiquement présent aux inhumation-crémation dans l’idée d’accompagner jusqu’au bout. Si la famille est présente et si elle le souhaite, nous pouvons y assister. Dans les autres cas, nous sommes systématiquement présents. Parfois, nous lisons des textes transmis par la famille lorsqu’elle ne peut se déplacer.

Le groupe de bénévole a néanmoins besoin de s’étoffer. L’atelier 3 travaille également la question du rôle de « l’accompagnant » et sur celle des rites possibles. Nous proposons aux personnes présentes un temps de témoignages et des textes que nous avons rassemblés dans un recueil.

L’expérience nous a montré qu’il n’est pas forcément besoin de proposer des choses, le plus important est d’assurer auprès des proches une « présence ». Celle-ci peut permettre :

-          une médiation avec les employés des pompes funèbres.

-          Les aider à franchir les différentes étapes des temps d’inhumation sans qu’ils aient à s’en soucier

-          Les aider à se saisir de cet évènement et à y poser des actes singuliers s’ils le souhaitent.

 

V – Un travail de mémoire

 

1)     Les dossiers

Lorsque nous ouvrons un dossier au sujet d’une personne (modèle en annexe), chaque intervention, liens téléphoniques sont notés afin de garder trace au cas où les familles souhaiteraient avoir des informations sur la manière dont les choses se sont passées.

Nous archivons également les noms et coordonnées des témoins, amis, bénévoles, professionnels … proches du défunt.

Enfin, nous établissons également une fiche-témoin (en annexe) sur le temps d’inhumation qui mentionne les personnes présentes, les textes lus …

 

2)     Les témoignages écrits

A plusieurs reprises lorsque les familles ne pouvaient être présentes et parce qu’elles le souhaitaient, nous leur avons proposé un récit plus précis de l’enterrement de leur proche. Ces textes souvent on été écrits à plusieurs et relus par des personnes non présentes afin de pouvoir prendre du recul et trouver le ton juste. Les familles ont été souvent sensibles à ces récits.

 

VI – Trois témoignages

 

Nous avons choisi ces trois récits car ils nous semblaient emblématiques des différentes réponses possibles.

 

1)     Mr K.

Mr K est décédé à Paris à l’hôpital après avoir passé quelques années à Toulouse. Isolé à Paris, sans réseau connu, de nationalité étrangère, son inhumation a été programmée en présence du collectif parisien des morts de la rue. Ces derniers nous ont alors contactés par mail au cas où nous pourrions trouver d’éventuels proches, ils savaient par l’hôpital que Mr K avait vécu à Toulouse.

Nos recherches ont permis de retracer la trajectoire toulousaine de Mr K et de rentrer en contact avec un couple de traducteurs qui, à force d’intervention auprès de lui à l’hôpital, étaient devenus ses amis. Ils ont alors écrit un texte d’hommage, lu lors de l’enterrement par les bénévoles parisiens qui en retour ont témoigné par écrit de ce moment ; texte que nous avons transmis à ses amis.

« Goutte de Vies » aura dans ce cas juste aidé à l’échange de ces textes. Notre intervention s’est arrêtée là.

 

2)     Mr C.

 

Mr C était un personnage bien connu de la rue à Toulouse, ayant beaucoup d’amis. Lorsqu’il est décédé, l’OPJ a retrouvé ses deux frères qui habitaient loin de Toulouse. Ils ont accepté notre médiation. Ceux-ci étaient très en demande de pouvoir rencontrer les différents témoins : amis, professionnels.

La famille a été accueillie à Toulouse, l’association les a aidés à trouver un hôtel, les a également accompagnés dans les différentes démarches (police, hôpital, pompes funèbres …).

Avec eux et ses amis, nous avons organisé une cérémonie en présence d’un grand nombre de personnes en laissant un temps assez long avant le départ du convoi vers Cornebarrieu. Certains de ses amis ont été accompagnés par l’Equipe Mobile Sociale. Ce temps a permis aux uns et aux autres de se rencontrer, d’échanger des témoignages forts sur le défunt : échanges de photos, de dessins, d’anecdotes, prise de conscience de l’affection commune qui liait chacun au défunt, témoignages écrits remis à la famille et accompagnement jusqu’à la crémation.

Par la suite, ses amis ont planté un arbre à Toulouse. Des photos de cet évènement ont été envoyées à la famille. Celle-ci a été très touchée de réaliser que leur proche était entouré d’amis alors qu’ils le pensaient complètement seul.

 

3)     Mr H.

 

Mr H s’est suicidé d’une manière assez violente. Ses amis qui l’ont découvert, les professionnels qui l’avaient accompagné depuis quelques années ou plus récemment, ont été très choqués par cet évènement. La famille qui résidait à l’étranger ne pouvait se déplacer.

Plusieurs échanges ont eu lieu avec ses amis de la rue pour apaiser les esprits compte tenu de la nature de l’évènement, pour expliquer la lenteur des procédures (il a été enterré 53 jours après son décès). Une présence forte a été nécessaire le jour des obsèques, l’Equipe Mobile Sociale a assuré le transport.

Un travail spécifique a été proposé aux professionnels du CCAS et de l’association qui suivaient ce Monsieur dans le cadre d’un suivi social lié au logement. Une table ronde a ainsi été organisée en présence de certains professionnels investis sur cette situation pour aider au dialogue mutuel et apaiser certaines craintes.

Enfin la présence à l’inhumation a favorisé le rassemblement de tous les proches et témoins et un récit ainsi qu’un livre d’or ont été envoyés à la famille.

 


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